dimanche 4 mai 2014

Juncal

José Álvarez "Juncal" et Vicente Ruiz "Búfalo"

 

 © Biblioteca Miguel de Cervantes 


La longue cicatrice qui creuse sa joue gauche, il la doit à Alcucillo, un toro noir de don Manuel Arranz, sorti à Salamanca en septembre 1944. Celle qu’il a sur le nez, c’est un mauvais souvenir d’un Concha y Sierra lidié à Zaragoza en octobre 49.

Après la terrible cornada que Lobero (encore un Concha y Sierra) lui a infligée, personne ne pensait plus le revoir faire un jour le paseo. Pourtant, il s’est représenté peu après à Algeciras. Ce fut sa dernière course. Un triomphe. Tout le monde croyait qu’il aguantait. En fait, il ne pouvait plus bouger... Sa prothèse l’avait lâché.

Avant d’avoir été le grand Juncal fauché en pleine gloire, José Álvarez a commencé en toréant dans des  villages comme Poto, Barba, Guinda, Macao ou Guasa. C’est là qu’il a rencontré Andrés Vásquez. Dans ces capeas dures, entre public impitoyable, toros de 12 ans, vaches déjà toréées, et compagnons d'infortune, il a fait ses premières armes. Il raconte que le pire, c’est que les vieux les obligeaient à boire, pour le plaisir de les voir tituber devant les bêtes. C’est comme ça qu’il a vu mourir Angel Guasa Vela, maletilla, « mort soûl et effrayé ».

Après avoir été le grand Juncal fauché en pleine gloire, il est devenu le vieux Juncal fauché tout court. Maestro fracassé, boiteux, toujours bien mis, coureur de jupons, sans cesse à court d’argent, trimballant dans les rues de Séville sa valise contenant son Cossío, sa gouaille, son orgueil déplacé, sa dignité un peu ridicule, ses mensonges éhontés, sa désinvolture arrogante, son culot, sa mauvaise foi, son humour, et sa joie de vivre. Juncal, qui « n’a jamais reculé ni devant un Miura ni devant une femme », qui cite Bombita et Lagartijo, qui prend la mouche quand on le compare à un artiste de cinéma, qui évoque avec nostalgie les Pinto Barreiros et les Coquillas, qui oblige les touristes japonais à se découvrir au nom de Juan Belmonte et qui estime en toute insolence que les pauvres manquent de philosophie, Juncal dis-je, se révèle être un homme profondément bon, attachant, et même honnête à sa manière. Une vraie canaille terriblement sentimentale.

Comme torero, je ne l'ai pas connu mais je l’imagine un peu comme L.F. Espla. Aimant les toros infiniment, très instruit de toutes les composantes de la chose taurine, capable d’une grande loyauté, d’avancer la jambe et de se jeter droit mais se laissant bien souvent aller aux plus grandes impostures qui soient. Avec le sourire, évidemment.

En fait, il parait bien étrange qu'un torero de Séville si séduisant n'ait pas sa statue autour de la Maestranza…

Zanzibar

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