mercredi 14 mai 2014

Les vides juridiques du règlement taurin

Avec quelle facilité les toreros se jettent dans certaines failles et pas du tout dans certaines autres !
C’est la lecture du passionnant « Blessures et mort des taureaux de combat » de Marc Roumengou qui m’a amenée à faire ce constat.

Concernant l’habit de lumières, on y lit que, s’agissant des toreros, ceux-ci sont « vêtus de ce que nous Français appelons le costume de ‘’lumières’’ ; cette pratique vestimentaire ne relève, en Espagne et en France, que du respect d’une tradition et non des règlements correspondants qui sont tous deux muets sur ce point. Il en va différemment au Portugal ».

Or, les écarts en la matière sont pour le moins minimes. Hormis les corridas goyesques, les corridas picassiennes, et Morante, les audaces vestimentaires sont rares et le port de chaussettes blanches mérite à lui seul un tiers de reseña quand le phénomène se produit.

Concernant le tercio de varas, Roumengou nous rappelle que dans sa Tauromaquia de 1796, Pepe Hillo indique que « le picador se place dans l’alignement du taureau ; lorsque celui-ci arrive à sa portée, il lui met la pique dans le cerviguillo et simultanément, il fait pivoter son cheval vers la gauche ; prenant appui sur le taureau, il le rejette par devant sa monture ou bien sur une ligne qui lui soit parallèle ».

Il poursuit en déclinant chronologiquement l’évolution de la règlementation du tiers de pique, lui-même déclinant, inexorablement.
A partir du 14 février 1880 (et jusqu’à nos jours), le règlement taurin espagnol oblige toujours le piquero à citer et piquer face au toro. En revanche, il est de plus en plus nébuleux quant à l’endroit où il convient de piquer. Jugez-en plutôt !
Le règlement (espagnol) du 28 février 1917 dispose que « ces artistes à cheval piqueront […] à l’endroit que l’art exige, c’est à dire dans le morrillo ».
Le règlement (espagnol) du 12 juillet 1930 menace de punir le piquero qui « déchire la peau du taureau, le pique dans la tête, ou fait quelque autre chose impropre à un bon combattant ». 
Romengou ajoute que le règlement de 1962 « se limite à prévoir une sanction contre le picador qui délibérément pique à nouveau à l’endroit d’un coup de pique antérieur, mais seulement dans le cas où celui-là était situé dans les parties basses ou dans le bras ! »  

Messieurs les toreros, en tant que fille ayant un certain goût pour les toros et bien consciente au demeurant des brèches ouvertes par un règlement dont je ne doute pas que vous appréciez la permissivité, je verrai d’un assez bon œil que vous vous laissiez aller à plus de créativité en ce qui concerne la confection de vos atours (le mauvais goût pourra toujours vous être pardonné) mais que vous fassiez preuve de nettement moins d’inventivité quant à l’endroit où vous placez les piques / où vous exigez que les piques soient placées (rayez la mention inutile selon que vous êtes subalterne ou patron).

Zanzibar

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